Je me suis mis en tête de gravir une montagne.
Je ne savais pas quelle montagne, mais j'ai commencé à l'escalader.
J'ai failli chuter, plusieurs fois.
Je me suis raccroché aux branches, elles étaient solides.
Un beau jour, fatigué, je me suis endormi dans un renfoncement.
Au bout de quelque temps, je me suis réveillé. Mais je n'avais plus de force pour repartir. Malgré tout, j'ai refusé de m'effondrer.
C'était l'aube. Les nuages devenaient brillants, j'apercevais le soleil. Il réchauffait ma peau. Alors, je suis reparti.
J'avais toujours mon drapeau à la main et mon sac de misère sur le dos.
Je n'en pouvais plus d'escalader. Je me suis arrêté à quelques mètres du sommet. Alors, j'ai compris quelle montagne c'était.
Les branches et les pierres qui m'avaient soutenu me saluaient.
J'avais presque réussi.
Je me suis assis, dans la neige qui n'a jamais été si chaude que ce matin-là.
Ce sera toujours l'aube, l'aube de quelque chose de nouveau.
Demain c'est sûr, j'irai planter mon drapeau...
Le soir, la nuit,
Démons du sommeil vous assaillent.
Vous êtes citadelle à conquérir,
Offert à Morphée dans un abandon.
Et les remparts se mettent à sombrer,
Si par hasard l’angoisse vous effleure.
Cette frayeur vous embrasse dans la crainte
D’être abandonné par celle que vous aimez.
Si aux assauts vous savez répondre parfois,
La chute est imminente.
Seule une main, un soupir pourra,
Pas sa caresse ou son murmure
Vous enlever de cette attaque
Des démons vengeurs.
Là, vous vous éveillez.
A côté de vous est étendue
Celle que vous sauve.
Et vous vous dîtes :
« Si je suis là avec elle,
C’est que tout va bien »
C’était par une fin d’après-midi, dans le jardin d’un hôtel. Le soleil s’endormait peu à peu, mais les éclairait de sa lumière brumeuse.
Ils étaient là, tous réunis autour de leur solitude. Certains jouaient aux cartes, d’autres lisaient, d’autres encore se taisaient.
À la table des joueurs, il
Il s’empara d’un appareil photo pour immortaliser l’instantané. Il ne la photographiait pas, il embaumait son regard de sa beauté. Tout se dessinait dans ses yeux, l’amour projeté, la tendresse que l’on souhaite confier à l’autre. Il offrait son imagination à son propre désir. Elle était là, belle, illuminée par cette rousse luminosité.
Et lui, qui masquait son âme en affichant un dédain trop mal contenu, ne trompait personne.
Car, pendant ce temps, ses voisins ne rataient rien de l’instant. Un discours muet, qu’échangent les regards lourds de sens, semblait dire : “ regardez son regard ! mais ne dites rien, laissez-le aimer, un peu. ”
Elle ne percevait rien, absorbée qu’elle était dans les pages noircies d’encre.
Un déclic et tout passa, l’inspiration qui embellit celle dont on espère un geste.
Puis les joueurs jouèrent, les liseurs continuèrent leur lecture et les taiseurs se rengorgèrent de mutisme.
Alors il ne resta que le silence transparent qui masque avec tant de délicatesse, la pénombre gracieuse.
J’ai vu le songe des roses, un soir de printemps. Elles ont toutes le même rêve, devenir fleur et parfum. Et lorsque, cueillies par une main insouciante, on les croit pouvoir s’épanouir, très vite leur senteur s’estompe pour à jamais se faner. Il ne faut, de saison en saison, jamais arracher leur beauté à
J’aime les matins de l’automne naissant, regarder ces fleurs avant qu’elles ne s’endorment pour un temps et venir au moment dédié récolter du regard, leur éclat qui peu à peu s’éveille à
Sauvages, je n’essaie jamais de les apprivoiser, de peur que ne s’échappe leur insaisissable caractère, et ainsi perdre ces poussières d’émotions qui me comblent de joie à chaque regard que je pose sur elle. C’est le matin, lorsque se lève le jour, que je les aime le plus. Lorsque la rosée a déposé sur elles de fines gouttes que chaque pétale supporte avec douceur. Et le soir venant, tendrement, je les vois s’endormir à l’ombre du soleil couchant, enlaçant délicatement ce qui reste des rayons du soleil lassé.
Celles que je préfère, jamais ne se faneront. Elles sont faites de rien, de poussière, de brûlure. Modelées à grand coup de Sirocco, elle attendent dans le désert qu’au seuil de la sérénité, vienne ce grand vent nourricier auprès duquel elles pourront rayonner éternellement.
Si, au détour d’une dune ou d’un bosquet, il vous ait donné de ramasser du regard ces douces fleurs, n’oubliez pas que de l’aube au crépuscule, elles ne se donneront jamais à vous car la beauté se voile une fois qu’elle est volée.
Le zozo zélé zébra la zibeline d’un zazou.
Le vieux vénérable vit le vandalisme sur le vison.
Le doyen dénonça le drame à sa dame.
La femme fit fondre son fléau sur le folichon.
Le préposé à la préséance présida le procès.
L’idiot irrita l’illustre par ses imitations d’isards.
Il était âgé et agacé par les agissements de l’aliéné.
Ne craignant pas le coupable, le commué le condamna.
Il plongea sa peine en prison.
Durant deux décennies il domina les détenus.
C’est ainsi qu’il sortit sous les saluts de ses sujets.
Maître des miséreux, il martyrisa tous les manants du monde.
De son reclus, il revint roi des rues.
Au juste, se joignent les justiciers de la journée.
Le pavé de Paris perdit la plupart des perfides de la place.
Gloire à Grégoire, le grand gardien du ghetto des gnomes.
Vous vous réveillez à l’automne de la vie,
Traînant votre amertume et votre désespérance.
Chaque matin, vous vous répétez,
Qu’il faut exciter l’existence
Mais vous ne bravez que l’ennui.
Vous rêviez d’enfance et de gaieté,
Vous désiriez aussi la vertu,
Mais, le soir dans votre lit,
Ne sont apparues,
Que des femmes perdues.
Avec elles, vous ne partagez qu’une nuit,
Au prix d’un vaste menu.
Monsieur Tout Gris a des yeux tombants,
Le dos voûté courbé par le vent.
Il revient toujours par habitude,
Déjeuner avec sa solitude.
Personne ne le regarde vivre,
Et lorsque le soir il s’enivre,
C’est seul sans aucun élan,
Qu’il voie s’égrener le temps.
Réveillez-vous, monsieur Tout Gris
Ce n’était que la vie…
Elle parle en dormant. Elle s’apaise de grognements, de phrases imaginaires et de grammaire gémissante. Ça ne dure que l’éternité d’un rêve et c’est l’infini qu’elle décrit.
Ses draps vivent toutes les nuits le même office. Le livre que l’on pose sur la table de nuit, après l’avoir lu pendant près de trente minutes d’une gymnastique littéraire puisée au fin fond de son ennui. Après, elle éteint la lumière et elle tente de s’endormir. Elle pense à tout, elle ne pense à rien. Et dans ces cas-là, on compte, et tout y passe, le nombre d’amis, le nombre d’étoiles, le nombre de soleils.
Pour mieux se repaître de la nuit, elle se persuade qu’elle dort. Et puis, enfin ça finit par arriver, mais le malheur veut que jamais elle ne se rende compte de ce plaisir redoutable qu’est celui de sombrer dans un sommeil aussi profond que l’attente du bonheur.
En chien de fusil ou allongée sur le dos, la voilà qui plonge dans un univers sans contrainte et dans lequel l’esprit se permet tout. Il voyage, d’ailleurs, dans des contrées que parfois la conscience refuse. Il navigue sur des nuages, il roule le long des collines fleuries, jonglant avec des renoncules et les polypodes. Il la voit, elle, avec un autre, un inaccessible, celui qui se promet d’être, mais qui ne sera jamais. C’est peut-être à ce moment-là, qu’elle parle, mais personne n’en sait rien, et surtout pas elle.
Et lorsque le matin vient, tout arrive, le hurlement du réveil, l’envie de se recoucher et le café qui ne se prépare pas tout seul. Elle saute de son lit et s’effondre dans la réalité.
On se trouve dans un train qui ramène les laborieux vers leur banlieue, vers leur chez eux. Les wagons sont bondés, les gens s’entassent, ils courent vers les places les plus proches, sinon ils se retrouveront sur un strapontin ou debout. Alors, on force le passage, on défend sa place, on s’accommode de la promiscuité.
On salue le coude de monsieur, pendant que le sac à main de madame nous masse tranquillement le dos.
Malgré l’afflux de voyageurs, certains se fichent de rester assis dans le compartiment d’entrée.
Au cœur de ce grouillement, un homme est assis. Lui aussi a supporté l’agitation de la foule et l’inconfort du voyage ferroviaire.
Au rythme des gares, des gens montent pendant que d’autres descendent, et lui, il reste seul.
Personne ne remarque cet homme et d’ailleurs personne ne remarque personne.
Il doit avoir peut-être cinquante ou soixante ans, il porte un costume bien coupé. Certainement doit-il rentrer de son travail, ou d’autre chose, peu importe.
Autour de lui, les gens regardent le paysage que dessine le crépuscule, lisent des journaux, des romans, et pour les dames, des recettes miracles pour maigrir avant l’été.
Dans ce tourment d’inanition, cet homme regarde fixement dans le vague. Il ne doit pas voir grand chose, car ses yeux sont embrumés de larmes.
Lorsque ses voisins ont relevé ses pleurs, sa solitude s’est accrue. Chacun de leur côté, ils se sont plongés dans l’ignorance. Certains ont enfoui leur regard dans des pages vides de sens, afin de concurrencer l’oubli, pendant que d’autres se perdent dans leurs pensées transparentes.
Celui-ci a peut-être perdu son emploi, ou un proche ou autre chose. Personne ne sait.
Les plus courageux tentent un sourire, un regard, un geste dans sa direction. Il ne répond rien, lui aussi est absent.
Malgré ses pleurs silencieux, il garde une tendre dignité sans souci de ceux qui l’entourent.
Il est seul au milieu des autres et le contact avec ces inconnus qu’imposent les transports en commun ne l’a pas guéri de sa solitude.
Le train s’arrête à une gare. Le pleureur se lève et sort.
Et la nuit le recouvre à jamais, seul avec ses larmes.
Zéro est une blancheur incarnée,
Un résonne dans le gris du brouillard,
Deux déraisonne à la lumière du jaune,
Trois arraisonne le pourpre du soir,
Quatre s’accroche au vert d’eau,
Cinq décroche le bleu du ciel,
Six fait un crochet dans le marron d’une forêt d’automne,
Sept se perd dans la couleur du désert,
Huit est une paire de quatre qui se fronce,
Neuf désespère dans le noir de la nuit.
Et la suite continue dans une palette de couleur…
Léa a 20 ans et des chansons dans la tête.
À l’âge des possibles, elle rêve d’impassible.
Douce lenteur de la vie, elle sublime l’été.
Car, elle n’est déjà plus au printemps de sa vie. Elle a cessé de bourgeonner avec son lot d’incertitudes, de chimères et de désespérance.
Léa a 20 ans et des chansons dans la tête.
La douce mélodie de l’ennui
Léa a 20 ans et des chansons dans la tête.
Elle espère l’attente et soupire à ses amants. Elle remplit de vertu les moments de contrition et regarde avec austérité la gaieté des bons jours. Hier, elle voulait avoir vingt ans.
Léa a 20 ans et des chansons dans la tête.
Elle n’a pas son âge. Trop de faiblesse, trop de sérieux. Les gens aspirent d’elle la légèreté, mais elle a les seins trop lourds et les yeux trop fatigués. Elle lit plus qu’elle ne parle. Et eux, ils en ont assez d’écouter ses silences.
Léa a 20 ans et des chansons dans la tête.
Il trotte dans son esprit des musiques passées, des envies démodées et des souvenirs poussiéreux. Elle dort depuis trop longtemps pour pouvoir courir contre le temps.
Heureusement, demain, Léa aura 21 ans et des fourmis dans les pieds.